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Laurent Bastard

Historien des Compagnonnages

      Le Pain des compagnons s’inscrit dans un nouveau courant de recherches sur le Compagnonnage, en rupture avec les études globales initiées par Étienne MARTIN-SAINT-LEON en 1901 (Le Compagnonnage), poursuivies par Émile COORNAERT en 1966 (Les Compagnonnages) puis par François ICHER (Les Compagnonnages en France au XXe siècle, 1999).

     Il ne s’agit plus d’aborder le Compagnonnage dans son ensemble, en dégageant les points communs à toutes les sociétés qui le composent, mais de l’aborder corps de métier par corps de métier, afin de montrer leur spécificité.  C’est le pluriel qui prime ici et ce sont les compagnonnages qui sont étudiés. Cette approche s’avère extrêmement intéressante car elle permet de se rendre compte que chaque société relève d’une histoire particulière, qu’elle a évolué différemment des autres, que le facteur professionnel a joué son rôle, que des liens originaux se sont tissés ou non avec les autres corps, que des personnalités originales et influentes ont émergé au fil des ans, et qu’il convient de les connaître pour mieux saisir certains épisodes de cette histoire.

     Georges PAPINEAU, Blois l’Ami du Travail, compagnon boulanger du Devoir  (1903-1978) avait ouvert la voie lorsqu’il écrivit, comme principal auteur, une étude publiée un an après son décès sous le titre Les Compagnons Boulangers et Pâtissiers présentent l’histoire compagnonnique de leur corps d’état.

     Ce livre, bien construit et riche d’informations inédites, était l’œuvre d’un compagnon boulanger, d’un artisan, et non d’un historien patenté ou d’un universitaire diplômé. Les autodidactes sont quelque peu dédaignés par ces derniers, bien à tort. Le livre n’en était pas moins fiable, bien documenté, et témoignait d’une volonté de replacer cette histoire particulière des compagnons boulangers dans le contexte plus général de l’évolution du métier, du Compagnonnage en général  et de la société tout entière.

        Durant ses premiers pas en Compagnonnage, Laurent Bourcier a été vivement intéressé par le travail de son Pays Papineau. Il s’est rendu compte au fil des ans que bien des chapitres de ce livre pouvaient être enrichis ou rectifiés, en fonction de la découverte de nouvelles pièces d’archives. La mise en ligne de documents publics a encouragé sa recherche, qui s’est poursuivie des années durant.

      Et vint enfin le temps de partager la somme de notes, images, anecdotes, accumulée en trente ans, avec ses Pays de toutes sociétés, mais aussi avec tous les amateurs d’histoire compagnonnique.

Le résultat est à la hauteur des efforts et de l’obstination de Picard la Fidélité. Œuvre énorme, foisonnant de détails, de faits inconnus, d’anecdotes vécues par l’auteur au cours de ses rencontres avec des compagnons aujourd’hui disparus. Œuvre rigoureuse, s’appuyant toujours sur des documents d’archives privés ou publics, se référant à des études historiques et sociales en dehors de la sphère compagnonnique, y compris à des sources négligées jusqu’alors (pensons à la presse des XIXe et XXe siècles).

         Ce qui se dégage de ce travail colossal est aussi une profonde humanité. Laurent Bourcier sait faire revivre les compagnons du passé et nous les côtoyons comme si nous les avions connus nous-mêmes. Il en montre sans complaisance les faiblesses, les erreurs, les doutes, en même temps qu’il nous en narre les faits de gloire, les vertus compagnonniques en action, la persévérance et le courage. Vertus nécessaires car les compagnons boulangers ont été environnés d’ennemis durant la plus grande partie de leur histoire (les autres corps d’état, les patrons, les placeurs, les autorités…).

       Il faut souligner l’importance donnée tout au long de ce livre aux individus. Le Compagnonnage n’est pas une institution qui fonctionnerait toute seule. Elle est portée par des hommes, hier comme aujourd’hui, et ces hommes ont un nom, une vie personnelle, un caractère propre. La recherche généalogique s’avère dès lors un moyen de restituer à chacun ce qu’il a fait pour son Devoir et de sortir de l’anonymat tous ces oubliés de la « grande » Histoire que sont les compagnons du tour de France.

      Ce livre fera date. Il était attendu. Il ne décevra pas. Puisse-t-il inspirer d’autres compagnons, qui se lanceront à l’aventure pour écrire l’histoire « authentique » de leur corps d’état, avec passion mais en conservant le recul nécessaire à tout travail historique.

                                                   Laurent BASTARD

                             Directeur (e.r.) du musée du Compagnonnage de Tours

                                         Chevalier de l'Ordre Nationale du Mérite

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